Carburants en_Sude_2

Le secteur des transports, tributaire à plus de 95% des énergies fossiles, est responsable d’une part sans cesse croissante des émissions de C02 dans le monde.

Une partie de la solution pourrait venir des carburants de seconde génération issus de la gazéification de la biomasse qui émettent beaucoup moins de gaz à effet de serre. Le diméthyléther ou DME, produit à partir de liqueur noire, un sous-produit de la fabrication de la pâte à papier, semble le plus prometteur d’entre eux.

 

 

Retenez ces noms : diesel synthétique, biogaz, diméthyléther (DME) et méthanol. Ce sont les carburants de demain. Le groupe Volvo a développé des moteurs adaptés à chacun d’entre eux afin de les tester. Leur atout majeur ? Ils permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 75% …à près de 100% pour le plus prometteur d’entre eux : le diméthyléther ou DME.

Ces carburants dits de seconde génération ont le mérite –contrairement à ceux de la première génération comme l’éthanol produit à partir de betterave, de maïs ou de canne à sucre- de ne pas entrer en concurrence avec les cultures alimentaires. Ils sont produits à partir de végétaux non comestibles : bois et résidus forestiers, pailles de céréales, déchets organiques et miscanthus notamment.

Le DME est le biocarburant sur lequel les ingénieurs et chercheurs de Volvo fondent le plus d’espoirs. « C’est un carburant qui impacte très peu le climat. Il permet de réduire de 95% les émissions de C02. En outre, il n’émet aucune particule», insiste Lars Martensson, le directeur de l’environnement de Volvo Trucks.

« C’est le biocarburant le plus efficace au monde que l’on n’ait jamais eu à disposition. Son taux de rendement est de 67% » ajoute Anders Lewald, responsable du département « transports » à l’Agence suédoise de l’énergie

 

Une usine pilote dans le nord de la Suède

Le DME est réalisé à partir de liqueur noire, un sous-produit de la fabrication de la pâte à papier. L’entreprise suédoise Chemrec, le développeur technologique, a conçu un procédé qui permet de convertir cette liqueur noire en un gaz de synthèse qui est ensuite transformé en une molécule liquide.

Pour produire ce carburant, une usine de gazéification de la liqueur noire a été construite à Pitea dans le Nord de la Suède. Elle est entrée en service en 2010.

Coordinateur du projet, le groupe Volvo teste ce nouveau carburant en Suède sur dix camions Volvo Trucks depuis 2011. Adaptés pour rouler au DME, ces véhicules lourds ont déjà effectué 1,5 million de kilomètres. Ils se ravitaillent en DME grâce à quatre stations services implantées du nord au sud du pays à l’initiative de la compagnie pétrolière suédoise Preem, partenaire de l’opération. Les tests s’avèrent satisfaisants. « La technologie fonctionne bien. Les moteurs sont plus silencieux qu’avec le diesel. Nous avons très peu de problèmes technique,» poursuit Lars Martensson. A partir de 2015, Volvo testera le DME aux Etats-Unis avant de lancer le processus de production à petite échelle pour alimenter des camions. Rien n’empêchera par la suite des groupes automobiles de l’utiliser également dans des véhicules de tourisme.

D’après des projections réalisées par Chemrec, c’est l’Amérique du Nord qui disposerait du plus gros potentiel de production (35 GW), suivie par l’Europe (20 GW), et l’Asie (17Gw). En Europe, la Suède arrive en tête avec un tiers de la production de pâte à papier, suivie par la Finlande (29%), puis l’Espagne (9,5%) et la France (8%).

Ce procédé permettra à l’industrie de la pâte à papier de produire de façon combinée papier et biocarburant. Le seul « hic » : le montant des investissements. Le coût de construction d’une usine de gazéification de la liqueur noire, adossée à une usine de pâte à papier de taille importante, s’élève à 490 millions d’euros pour une unité produisant 185 millions de m3 par an équivalent essence. L’investissement net chutera à 240 millions d’euros pour les nouvelles usines de pâtes à papier compte tenu du fait que le gazéifieur remplacera alors la chaudière de récupération qui était un équipement très onéreux.

 « Si toutes les usines de pâte à papier de Suède s’équipaient de nos technologies de gazéification de la liqueur noire, le DME pourrait remplacer potentiellement 50% des véhicules lourds suédois roulant au diesel, » insiste Max Jonsson, le PDG de Chemerc. Et à l’échelle européenne, la moitié des véhicules commerciaux roulant au diesel dans les vingt prochaines années si on étend le processus de fabrication du DME à toutes les matières organiques qui peuvent être dissoutes (lisier, résidus de stations d’épuration, résidus agricoles, liqueur noire, etc).

 

Un prix au litre compétitif

Le prix du litre de DME devrait s’approcher de celui de l’éthanol de première génération au lancement de la production. Pour ensuite atteindre la parité avec celui des énergies fossiles.

Pour passer à une exploitation à grande échelle, les industriels n’attendent plus qu’un cadre légal et réglementaire sûr leur garantissant des perspectives de développement à long terme. « Quelles seront les taxes que supporteront ces biocarburants de seconde génération ? Bénéficieront-ils d’incitations financières ?» s’interroge Lars Martensson. Des règles du jeu claires existent déjà aux Etats-Unis. En Europe, une directive sur les biocarburants est à l’étude, mais elle est encore dans les tuyaux, explique Anders Lewald. Le bras de fer est engagé avec les grands groupes pétroliers et les producteurs de biocarburants de première génération peu enclins à partager le gâteau avec de nouveaux acteurs.

 

Eric Tariant