Après avoir achevé à Paris sa thèse en génétique cellulaire, Matthieu Ricard prend conscience que la recherche des mécanismes du bonheur et de la souffrance le passionne plus que les spéculations scientifiques. Il décide de s’établir dans l’Himalaya où il vit depuis plus de 35 ans.

Ordonné moine bouddhiste en 1978, l’interprète français du Dalaï-lama vient de publier «·L’art de la méditation·», une réflexion sur l’essence de la transformation spirituelle.

Quelles sont les conditions d’un bonheur authentique·?

Le bonheur est une manière d’être. Il provient de l’altruisme, de la compassion, de la force d’âme, de la sérénité et d’un état de confiance intérieure. Toutes qualités qui permettent de gérer les hauts et les bas de l’existence. Le bonheur s’apprend et se cultive comme on apprend à lire, à faire du vélo ou du piano. Le bonheur, la compassion, l’altruisme supposent un travail sur soi. Pourquoi ne ferait on pas de gammes d’altruisme comme on fait des gammes de piano·?

Vous venez de publier un autre ouvrage sur la méditation. Quel est le but véritable de la méditation·?

Méditer signifie étymologiquement cultiver, se familiariser avec une nouvelle manière d’être. En développant l’attention, l’équilibre émotionnel et l’amour altruiste. Comment· y parvient-on ?

En s’y entraînant. En remplaçant une demi-heure de jogging par trente minutes de méditation visant à cultiver l’amour altruiste. Une telle pratique se traduirait par un changement dans notre manière d’être·; et par des réarrangements fonctionnels dans le cerveau -une plus grande plasticité du cerveau- constatés par les neurosciences. La méditation est un entraînement de l’esprit.

Quels sont les buts des programmes de recherches menés depuis le milieu des années 1980 dans le cadre de l’Institut Mind and life, sous l’égide du Dalaï lama·?

Ces recherches, publiées dans des grandes revues scientifiques, ont révélé que le cerveau humain pouvait être profondément modifié suite à un entraînement de l’esprit. Ces études ont permis d’observer notamment des évolutions des traits de caractère (moins de colère) et un renforcement du système immunitaire (20% de plus d’anticorps), au bout de trois mois, chez les individus qui pratiquaient la méditation de manière régulière.

La méditation sur la compassion, écrivez-vous, prédisposerait à l’action·?

Les recherches ont montré que méditer sur la compassion activait les aires des émotions positives du cerveau mais aussi une autre aire motrice. La compassion favorise en effet disponibilité et préparation à l’action. La compassion rend totalement disponible aux autres contrairement à la rumination égocentrique qui empêche de s’intéresser à ses semblables.

L’occident n’a -t-il pas trop investi sur la pensée rationnelle (le «·je pense donc je suis·» de Descartes) au détriment de l’éducation et de la transformation de l’esprit ?

C’est le drame de l’homme contemporain. Il a trop investi sur les conditions extérieures du bien être en omettant de rechercher les conditions intérieures d’un bien être authentique·; l’harmonie avec soi même et avec le monde que l’on trouve en cultivant l’altruisme, la force d’âme, la sérénité, l’équilibre émotionnel et la gestion de ses émotions.

Propos recueillis par Eric Tariant

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Lire·:

«·Bhoutan, terre de sérénité·» par Matthieu Ricard (éditions de La Martinière 2008)

«·L’art de la méditation·» par Matthieu Ricard (Nil éditions 2008)

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