Créé pour faciliter les échanges entre les hommes, l’argent est devenu une fin en soi, un vecteur de domination et de violence sociale plus que d’échange et de paix. Comment en est on arrivé là·? Qui crée cette monnaie devenue une drogue de nos sociétés·?

«· Autrefois privilège des princes, le pouvoir de création monétaire a peu à peu été transféré à des banques,·» explique Philippe Derudder dans son ouvrageRendre la création monétaire à la société civile. Ce sont elles qui créent aujourd’hui de la monnaie chaque fois qu’elles consentent un crédit. En France, jusqu’au début des années 1970, la Banque centrale pouvait toutefois, elle aussi, faire fonctionner la planche à billets en échange de titres du Trésor Public, pour permettre à l’Etat de financer ses dépenses. Las, une loi française de 1973, aggravée en 1992 par l’article 104 du Traité de Maastricht, a, sans aucun débat public et dans la plus complète opacité, transféré ce pouvoir de création monétaire à des banques commerciales. Résultat·? Les états doivent désormais se tourner vers les marchés financiers auxquels ils abandonnent des montagnes d’intérêts. Afin de garantir à chacun l’accès à la liberté des échanges et à la monnaie, ce pouvoir de création monétaire ne devrait-il pas être confié à la collectivité démocratique selon des critères dictés par l’intérêt général·? «·La transformation de la monnaie de moyen en fin, à la source de l’économie casino qui gangrène nos sociétés, n’a aucune légitimité démocratique, souligne Patrick Viveret, conseiller référendaire à la Cour des comptes et auteur d’un rapport sur une nouvelle approche de la richesse intitulé «·Reconsidérer la richesse·». Il s’agit d’un pur rapt qui appelle des luttes démocratiques lesquelles doivent s’opposer à ce détournement d’un bien public collectif destiné à favoriser l’échange et l’activité de tous pour en faire un bien privatif destiné à satisfaire les désirs de lucre d’une minorité de riches et de puissants, » poursuit ce philosophe qui œuvre pour une réappropriation démocratique de la monnaie. Il est à l’origine d’une monnaie solidaire baptisée SOL qui est expérimentée dans cinq régions françaises.

Ce type de monnaies complémentaires n’est pas nouveau. Les premières expériences visant à replacer l’argent au service des hommes et à tenter de palier au manque de monnaie sont nées dans l’Europe en crise des années 1930. «·Elles ont permis de survivre à des dépressions économiques. D’autres expériences, plus près de nous comme le Time dollar d’Ithaca à New York ont permis de récréer du lien social. Dans les années 1970, les systèmes d’échanges locaux, partis de l’Ouest canadien se sont étendus à l’Europe », expliquent André Jacques Holbecq et Philippe Derruder auteurs du livre La dette publique, une affaire rentable. A ce jour, selon ces auteurs, plus de 3000 expériences de monnaies alternatives ou complémentaires seraient menées à la surface du globe.

 

 


Citation

"L'utopie est un mirage que personne n'a jamais atteint, mais sans lequel aucune caravane ne serait jamais partie."

Proverbe arabe

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